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Homélie du 6 février - 5ème dimanche du Temps Ordinaire - (Luc 5, 1-11)


Après le récit de la vocation du prophète Isaïe, voici le récit de la vocation de Pierre, qui lui est semblable : même expérience d'un Dieu qui appelle qui il veut, même sentiment d'impuissance et de peur, même pardon et même réconfort, même envoi en mission parmi les frères. A l'homme qui lui fait confiance, Dieu donne sa force.

Le récit de la pêche miraculeuse nous montre les étapes d'une rencontre avec le Christ. Tout commence un peu comme par hasard. Jésus aperçoit une barque de pêcheur qui lui permettrait de s'écarter de la rive pour mieux être entendu par tous.

Simon-Pierre, qui en est propriétaire, se laisse déranger dans son travail. Mais le service qu'il rend à Jésus, n'importe qui d'autre aurait pu le lui rendre. Cela ne coûte pas grand chose, et Simon accepte bien volontiers. Mais notons un détail qui sans doute ne lui a pas échappé, pas plus qu'aux autres pêcheurs : Jésus se met au travail au moment où eux viennent de terminer, au moment où ils ont renoncé et rangent leur matériel, pensant qu'il est maintenant trop tard pour prendre quoi que ce soit, et que l'échec est définitif ce jour-là.

Jésus cesse de parler à la foule pour adresser la parole à Pierre personnellement. En lui disant d'aller pêcher en plein jour, il le met au défi. S'il veut répondre positivement, Pierre doit prendre un risque et même faire quelque chose qui est contraire au bon sens, car les pêcheurs travaillent la nuit. Il ne cache pas un premier mouvement d'hésitation, mais il accepte et, sans bien comprendre, fait confiance à la parole du Christ. Et c'est aussi sans comprendre qu'il voit ses filets se remplir jusqu'à se déchirer. Le don de Dieu est sans mesure. Même quand il est trop tard pour les réussites humaines, il n'est jamais trop tard pour Dieu, et Dieu nous demande parfois, aux moments de fatigue ou de découragement, ce petit geste qui n'a l'air de rien, mais qui déjà nous met en marche vers lui.

Et parce que, par la foi, ou du moins par sa confiance au "rabbi", Pierre a su dépasser les limites de son bon sens trop humain, la pêche va dépasser ses espérances, et la démesure même de la prise indique que c'est l'œuvre de Dieu. Cette surabondance lui donne de pressentir le mystère du Christ. Il ne l'appelle plus "Maître" (comme au v. 5), mais "Seigneur" (v. 8). Il comprend qu'avec le Christ, c'est tout ou rien. Du maître, il apprenait ce qu'il était bon de faire; mais devant son Seigneur, il est saisi. Il ne se croit pas à la hauteur : que pourrait-il offrir à celui qui lui a tout donné ?

"Éloigne-toi de moi car je suis un pécheur!" Simon imagine qu'il faut mettre une distance entre l'homme indigne et Dieu qui fait merveille. Mais Dieu qui est le tout autre veut être aussi le tout proche. Non seulement il est le tout-puissant, mais il veut être le tout-aimant. Jésus lui dit: "N'aie pas peur" (v.10). Il écarte la peur : "Rassure-toi!". Et comment rassure-t-il le disciple ? En lui confiant une mission et en l'appelant à collaborer avec lui : "désormais ce sont des hommes que tu prendras."

Loin de condamner, de réprimer Simon, Jésus l’appelle à la mission. Ce sont des hommes que tu prendras ou plus littéralement, que tu auras à capturer vivants. Cet appel fait écho au livre du prophète Jérémie annonçant la délivrance de son peuple exilé et bafoué. Jérémie 16, 15 : Je les ferai revenir sur leur sol, celui que j’ai donné à leurs pères. 16 Voici que j’envoie en grand nombre – oracle du Seigneur – des pêcheurs qui les pêcheront.

Pierre va travailler avec le Christ à rassembler dans une communion les hommes dispersés. Si Jésus le lui dit dans le langage des pêcheurs : "tu captureras des hommes" (v. 10), c'est peut-être qu'il tient à le rassurer sur son travail antérieur : son expérience de pêcheur n'est pas perdue dans sa nouvelle vie où il quitte tout pour le Christ.

« N’aie pas peur ; désormais ce sont des êtres humains que tu captureras, que tu prendras vivants. », ce qui est le sens littéral de capturer. En utilisant le verbe grec « prendre vivant » et non « pêcher » qu’il s’agit en fait de garder vivant, de rendre à la vie, de ranimer, de faire vivre les êtres humains (et non pas seulement de les « prendre » et finalement ... de les faire mourir), l’Evangile décrit la vocation de toute l’Eglise comme l’assemblée de toutes celles et ceux qui sont appelés pour transmettre la parole qui « rend à la vie », ceux qu’elle touche et qui la reçoivent. Elle résonne comme une promesse : désormais ce sont des êtres humains que tu rendras à la vie !

Et nous ne réussirons pas seuls. De même que Simon appelle à l’aide ses camarades pour éviter que le filet ne se rompe et que la pêche ne soit perdue, notre action est celle d’une Eglise dont tous les membres devront, à un moment ou un autre, s’impliquer pour le succès de la mission. « Ne crains pas » rassure-toi : ce que tu as à réaliser, là où tu te trouves, fais-le. Qu’il s’agisse d’un geste, d’un signe, d’une parole, d’une visite, d’une attitude, d’un regard, d’une invitation, d’une consolation, fais-le sans crainte. Tu prendras alors vivant, tu rendras à la vie celui ou celle qui t’est confié. Le Christ est embarqué avec nous, sur la barque de Simon Pierre, sur la barque de l’Eglise, la barque de nos vies mêmes. Il est là présent, assis pour enseigner, debout pour encourager, et nous avec lui pour écouter et recevoir sa parole. Et cette présence nous accompagne. La vocation de disciple est conduite par le Christ. C’est que nous sommes, avec Simon Pierre, nous aussi, pris dans les filets de la parole du Christ, rendus à la vie et désignés à notre tour comme des pêcheurs d’êtres humains, appelés à nous rassembler pour nous mettre à son écoute, appelés à faire signe à d’autres pour remonter le filet, à collaborer avec d’autres, pour que la vie gagne là où l’on pensait que plus rien n’était possible parce que tout avait déjà été tenté.

Amen


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