Homélie du 11 septembre - 24ème dimanche du temps ordinaire— Année C (Luc 15, 1-32)

Jusqu’au bout. Le chapitre 15 de Luc nous apprend plusieurs choses. D’abord
que Dieu nous cherche. « Adam, où es-tu ? ». Cette recherche est laborieuse,
onéreuse : le berger court la campagne, la femme balaye sans compter son
temps. Jusqu’au bout : jusqu’à ce qu’il retrouve la brebis, jusqu’à ce qu’elle
retrouve la pièce perdue. « Le Père sans cesse travaille, dit Jésus et moi aussi je
travaille » (Jn 5,17). Donc, le travail de Dieu ne pouvant être en vain, il finira par
nous retrouver, aussi loin que nous soyons partis.
Et comment Dieu nous retrouve-il ? Des trois paraboles sur la tendresse de
Dieu vis-à-vis de ceux qui sont « perdus », chacune apporte son message
propre. La première, celle de la brebis, nous dit que « un seul » est aussi
précieux que tous. Alors que nos sociétés acceptent le sacrifice d’un certain
nombre à la prospérité générale, l’Évangile nous oblige à tourner notre regard
vers les oubliés : un seul, c’est trop. De plus, le berger se déplace, il se met en
route sans limite de temps et d’espace : jusqu’à ce qu’il ait retrouvé la brebis.
« Jusqu’au bout ». Même schéma pour la femme qui a perdu cette pièce qui,
du coup, devient la seule importante. Elle ne se déplace pas comme le berger
mais elle s’active, « jusqu’à ce qu’elle la retrouve ». Le père de la troisième
parabole ne se déplace pas et ne se met pas non plus au travail pour retrouver
son fils, il l’attend : c’est que le fils n’est pas un objet, un quelque chose, mais
un être humain ; les retrouvailles doivent donc venir d’une décision de sa
liberté. En fait, chacune à sa manière, ces trois paraboles nous disent comment
est Dieu, sa manière de se relier à nous.
Dieu cherche et trouve. La parabole du fils prodigue met en évidence ce que
l’on peut appeler la patience de Dieu. Il n’entreprend rien pour faire revenir
son fils ; il n’envoie pas d’émissaire, il ne lui fait pas parvenir de message. C’est
vrai, d’autres textes nous parlent de l’envoi des prophètes, de l’insistance
permanente de Dieu pour nous faire revenir à notre vérité. Le point de vue de
la troisième parabole est différent : il s’agit de nous faire prendre conscience
du fait que Dieu appelle, certes, mais n’exerce aucune pression sur notre
liberté ; il nous laisse faire l’expérience des conséquences de nos erreurs.
« Vois, je mets devant toi la vie et la mort - choisis la vie » (Dt 30,15). Mais dans
tous les cas, ça se termine dans la joie. Dieu peut-il être heureux tant que
quelqu’un lui manque ? Peut-il renoncer à la joie qui fait partie de lui-même en
acceptant que quelqu’un se perde ? Certainement pas !
La joie de Dieu. Cet autre trait de l’image de Dieu révélée par le Christ, c’est
donc la joie. On la retrouve dans les trois paraboles. Dans celle de l’enfant
prodigue apparaît le thème du banquet et de la fête. Question : pouvons-nous,
nous les humains, donner de la joie à Dieu ? La réponse de l’Évangile est claire :
la joie de Dieu dépend de nous. L’ensemble de la Bible nous montre un Dieu
touché, affecté par ce que font les hommes. Ce que nous lions ou délions sur la
terre produit son effet « dans les deux », c’est-à-dire en nous et en Dieu. Dieu,
étant la vie qui nous habite, est magnifié ou malmené selon que nous allons
vers la vie ou vers la mort. Alliance dit aussi interdépendance. Totale. Nous
faisons un avec lui et il fait un avec nous. Cette solidarité est absolue. Ce que
nous appelons sa gloire dépend aussi de nous : elle est remise entre nos mains.
« Ce qui glorifie le Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruit » (Jn 15,8).
La joie partagée. Le berger qui a retrouvé la brebis, la ménagère qui a récupéré
sa pièce, le père qui voit revenir son fils non seulement connaissent la joie mais
invitent à la partager. Qui est concerné ? Tout le monde : les amis et voisins, le
frère aîné et aussi les Pharisiens destinataires de ces paraboles. En fin de
compte, nous tous. Cette invitation à la joie ne va pas de soi car il faut déjà
beaucoup d’amour pour se réjouir du bonheur qui arrive à quelqu’un d’autre.
Au fond, cet appel à la joie partagée est d’abord un appel à ce que nous
nommons la conversion, « se tourner vers » ce n’est pas triste, c’est tout joyeux
: il s’agit de passer du souci de soi au partage de ce qu’il y a en l’autre ; « se
tourner vers » c’est un décentrement joyeux. Croire vraiment que nous
devrions éprouver cela aujourd’hui, c’est déjà entrer, clairement, dans la joie
de la vie éternelle. Laissons cette joie partagée envahir notre cœur !