Homélie du 14ème dimanche ordinaire A - Mathieu 11, 25-30

Frères et sœurs,
Par deux fois, nous venons d’entendre Jésus parler de « repos » : « Moi, je vous procurerai le repos », « vous trouverez le repos ». Nous entrons sans doute progressivement, prudemment, masqués, du temps de travail en mode déconfiné dans le temps des vacances. La liturgie aussi, bien sûr, nous rejoint. Pourtant, nous le savons bien, Jésus n’est pas celui qui a pris le plus de repos en nous invitant à le suivre… Rappelons-nous comment l’évangile nous dit de lui qu’il est un homme qui n’a pas d’endroit où reposer la tête (Mt 8,20). Et Saint Jean, dans l’épisode de la Samaritaine du puit de Jacob nous a décrit cet homme qui s’est assis, fatigué, après une longue marche (Jn 4,6). Ses journées mêmes sont tellement remplies que ce n’est que la nuit qu’il peut trouver le temps de prier (Lc 6,12). Pourtant, Jésus nous le promet : « vous qui peinez sous le poids du fardeau, moi, je vous procurerai le repos. » De quel repos s’agit-il ? Et de quel fardeau pesant ou léger ?
Nous pouvons commencer à répondre en nous rappelant comment Jésus regardait ces milliers de gens qui venaient à lui, selon le témoignage de Matthieu : « À la vue des foules, Jésus eut grande compassion, car ces gens étaient fatigués et abattus comme des brebis qui n'ont pas de berger » (9,36). Jésus voyait des gens désorientés, ne sachant où aller, ne sachant qui écouter, ne sachant plus à quoi s’engager. C’est la fatigue et la lassitude de l’indécision, de savoir que l’on ne sait pas, d’un certain agnosticisme… celle exprimée par le prophète Isaïe (53,6) : « Tous, nous étions errants comme des brebis, chacun suivait son propre chemin… »
C’est vraiment l’image de celles et de ceux qui marchent en zigzag, tout préoccupés de trouver le bon chemin. Ne sommes-nous pas entourés de femmes et d’hommes, plus ou moins jeunes, qui subissent cette lourdeur paralysante de ne pas pouvoir trouver de direction, de tourner en rond ! Et voilà que Jésus se propose à nous, aujourd’hui plus que jamais, à être le Berger d’humanité, celui qui invite à le rejoindre et à le suivre : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau… ». Cette invitation de Jésus nous révèle qu’il est Celui à qui Dieu a tout confié et il nous fait entrer dans sa confidence.
En effet, que fait Jésus ? En sa personne, il nous offre une direction stable, un chemin qui, non seulement, nous mène au repos et à la joie, mais un chemin qui est déjà cette joie. L’évangile de Luc l’exprime tellement bien : « À cette heure même, Jésus tressaillit de joie sous l'action de l'Esprit Saint et il dit : ‘Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre’ » (Lc 10,21). En effet, cette joie, Jésus la reçoit de Dieu, parce que l’Esprit de Dieu révèle son mystère aux petits, à celles et ceux qui ont commencé à le suivre, et qui sont là, autour de lui, à l’écouter. Ainsi, Dieu donne-t-il, dans sa bonté, le vrai repos quand, dans les épreuves, des hommes et des femmes ont osé mettre leur vie et celles de leurs proches dans le cœur de Dieu, quand ils ont refusé de s’engager sur des chemins de désespoir, de mort, de découragement et de ressentiment.
Que de témoignages de générosité et dévouement ne recevons-nous pas chaque jour depuis des mois dans notre maison commune que défie la pandémie !
Mais alors quel est ce repos que Jésus nous promet ? Se reposer, bien sûr, c’est de ne pas être obligé de travailler, sans doute. C’est aussi faire beaucoup de choses différemment … voyages, hobbys, sport, peinture, musique, etc… La réponse se trouve dans le sens du sabbat, qui rythme le temps pour Dieu. Le repos, c’est donner du contenu à la question : « Et qu’as-tu fait de toi-même ? » L’important, alors, n’est-il pas de savoir qui nous sommes et qui est Dieu ? Lui que Jésus appelle « Abba ! papa, Père ! », lui que Jésus nous invite à appeler « notre Père ». Notre repos, c’est de savoir : « Je suis devant Dieu, le Père qui sait qui je suis et qui m’aime ». Jésus est le Fils devant son Père. Et nous-mêmes, nous sommes désormais aussi devant Dieu le Père, avec notre prénom unique, fille et fils avec le Christ… Tout cela le Père, dans sa bonté, le révèle chaque jour aux tout-petits, et il le cache à celles et ceux qui se limitent à être des sages et des savants.
Frères et sœurs, accueillons donc ce que Dieu révèle, ce qu’il confie à celles et à ceux qui sont assez humbles pour se tourner vers lui, à aller à lui. « Mon joug est facile à porter et mon fardeau léger ». D’une certaine manière, c’est facile : il suffit d’avoir confiance dans notre Père : il aime ses enfants, il veut leur joie et leur vie ; il suffit à chaque fois, à chaque rencontre, d’exprimer notre Laudato si’. Avoir le regard de Jésus, le vocabulaire de Jésus, l’humilité de Jésus. « Faites ceci en mémoire de moi ! ». C’est faire eucharistie, c’est donner notre vie avec lui… C’est l’Octave qui se prolonge comme jamais avec le Fils de l’homme, qui ressuscita le troisième jour.
Jésus a vécu cette foi et cette joie jusqu’au bout. Rappelons-nous aussi cette confidence de Jésus dont témoigne saint Jean : : « Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète » (Jn 15,11).
Reposons-nous à la manière de Jésus, en nous tournant vers ce Père qui nous aime : Il veut notre vie en plénitude dans notre maison commune en tenue estivale.