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Homélie du 7ème dimanche ordinaire A - Mt 5, 38-48



Voici les paroles les plus déroutantes de l’Évangile. Dans un monde où l’on fracasse facilement toute la mâchoire pour une dent cassée, où l’on est encore loin du « dent pour dent » d’Exode 21,24, les propos du Christ parais­sent scandaleux. On oublie qu’il s’agit, avec l’autre joue qu’il faut tendre, le manteau qu’il faut ajouter à la tunique, etc., de petites paraboles qui poussent le trait au maximum pour bien faire comprendre la direction à prendre.

Jésus lui-même n’a pas tendu l’autre joue quand un garde l’a frappé au cours de son procès. Il a renvoyé cet homme à sa conscience en lui de­mandant « pourquoi me frappes-tu ? » (Jn 18,23). Cependant, « aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent » n’est plus du genre parabole. Cet enseignement direct résume tout l’Évangile. Qui en effet a aimé ses ennemis, leur a par­donné et a prié pour eux ? Jésus au cours de la Passion.

Nous aimons ceux qui nous aiment, comme font les païens. Nous saluons ceux avec qui ça va, comme font les païens… "Si votre justice ne surpasse pas celle des pharisiens, vous n'entrerez pas dans le Royaume des cieux"... Nous sommes les enfants de notre Père qui est dans les cieux.. ; et ça devrait se voir ! Il s’agit pour nous d’apprendre à aimer selon le cœur de Dieu. Non pas de cet amour qui sélectionne, qui choisit ceux qui en sont dignes et ceux qui en sont indignes. Il s’agit d’aimer de cet amour qui est don de soi, et qui est l’être même de Dieu.

C’est parce que Dieu a voulu nouer une relation avec son peuple qu’il lui donne une manière de vivre et de se comporter. C’est parce que Jésus nous invite à être les enfants bien-aimés du Père qu’il nous donne une conduite à tenir. Il me semble que la clé de compréhension de l’évangile de ce jour, nous le trouvons au verset 45 : « Afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5, 45).

Cet appel est si extraordinaire qu’il nous faut prendre le temps de le réentendre et le laisser habiter notre pensée et notre cœur : « Afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est dans les cieux ». Ce qui est en jeu dans l’évangile de ce jour, c’est que nous advenions à notre véritable identité qui est celle d’être fils et fille de Dieu.

On aime souvent "par calcul"... parce qu'on en espère quelque chose. Dieu aime parce qu'il est amour, parce qu'il est la vie, et que l'amour seul fait jaillir la vie. "Être saint", c'est avancer toujours plus avant sur le chemin difficile de l'amour… avec un regard sur Dieu.

Les sacrements nous enracinent dans cette vie divine ; cette vie qui nous est donnée et vers laquelle nous devons tendre. L’expérience de saint Paul décrit dans la Lettre aux Galates, quand il s’écrie : « ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20) n’est pas une expérience extraordinaire réservée à quelques-uns ; c’est ce à quoi tout baptisé est appelé : laisser la vie divine, la vie du Christ s’épanouir pleinement en nous. Et c’est parce que cette vie s’épanouit en nous qu’alors nous pourrons tendre vers le comportement décrit par Jésus dans l’évangile et qui a de quoi nous surprendre.

Quand nous avons été "agressés", un réflexe naturel, c’est de nous défendre, "en montrant les dents", de rendre la monnaie de la pièce, de nous montrer le plus fort… Ce n'est pas la façon de faire de Dieu qui nous invite à inverser le processus. Il ne s'agit pas de rester passif ni de laisser tout faire, mais de ne pas employer les mêmes moyens que ceux qui n'aiment pas, d'opposer des gestes de bonté à des gestes de malveillance. Il s'agit de provoquer l'autre… à faire le bien !

En fait, nous avons souvent la tête dure ; nous nous faisons de fausses images de Dieu ; nous avons du mal à croire qu’il n’est qu’amour. Et pourtant, Jésus nous le dit d’une manière très claire : « Dieu fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants et tomber sa pluie sur les justes et sur les injustes. » À l’époque, le soleil et la pluie étaient considérés comme des bénédictions de Dieu. Être comme Dieu c’est accueillir cet amour pour tous qui est en lui pour le rayonner et le communiquer autour de nous.

Ne pas laisser agir nos réflexes vengeurs mais l'Esprit de Dieu en nous. Jésus n'a pas "tendu la joue gauche", mais il s'est laissé insulter, mettre à mort. Il y a des moments où je dois réagir, d'autres où je dois interrompre le cycle de la violence. Seul l'Esprit de Dieu peut m'aider à voir clair à ce sujet. Jésus me demande de ne pas rendre le mal pour le mal. Il me demande de ne pas me faire juge, car Dieu seul est juge, de ne pas condamner... mais pardonner.

En renonçant à la vengeance, je romps ce cercle vicieux de la violence. Car si je donne un coup, je donne une raison à l'adversaire de redonner un coup... et on n'en finit plus. Chez nous, on disait souvent : «c'est le plus raisonnable qui va arrêter...»

Si nous sommes habités par cette présence de Dieu, cela change tout dans notre vie. Cet amour que nous recevons de lui va nous rendre de plus en plus semblables à lui. Il va chasser la haine, la rancune, la violence et toutes les formes de méchanceté ; c’est un amour qui ira jusqu’au pardon. C’est à cela que nous serons reconnus comme disciples du Christ.

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