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Homélie du 28ème dimanche ordinaire C - Luc 17, 11-19



C’est frappant, saint Luc construit son récit de la vie de Jésus en jouant sur la tension entre distance et proximité. La parabole du bon Samaritain pose radicalement la question « mais qui donc est mon prochain ? » Le récit de Jésus me dit : c’est celui qui est loin, à distance, celui dont je dois me rendre proche, et Jésus, de mille façons, se fait proche de chacun de nous…

Aujourd’hui, notre regard se porte sur dix lépreux : leur lèpre les empêche de s’approcher d’un homme en bonne santé. Maintenus à distance, ces hommes doivent se comporter comme s’ils étaient déjà guéris de ce mal qui les détruit à petit feu :

Bien que malades, les voilà obligés de se rendre auprès des prêtres qui sont les seuls à pouvoir constater officiellement leur guérison…Le récit marque cette première distance.

Il y en a une autre, celle qui sépare le Samaritain à l’intérieur de ce groupe de dix, lui, l’étranger, le différent, l’ennemi. Cette mise à distance le sépare d’Israël et donc aussi de Jésus, le juif de Nazareth… Mais voilà que Luc, à nouveau, nous démontre que toutes ces distances vont être franchies par celui qui croit en ce Jésus.


Cette foi se manifeste en fait en diverses étapes :


* la première étape tient à l’anticipation ; c’est que la foi rend capable d’anticiper. Sur une simple parole, ces dix lépreux se mettent en route pour aller trouver les prêtres, alors qu'ils n'ont encore aucune preuve de leur guérison. Mais leur confiance en une parole entendue leur suffit pour qu’ils se mettent en route. Ils vont effectivement retrouver la santé.

Il s’agit dans nos vies aussi de cultiver cette capacité de faire confiance que nous avons reçue à la naissance… Si vous ne devenez pas semblables aux petits enfants, vous ne comprendrez rien au Royaume de Dieu, vous serez incapables d’y entrer… Sommes-nous habituellement prêts à croire sur parole ? Malgré les mensonges ? Faire confiance sous-tend toutes nos relations humaines.


* L’autre étape, c’est à nouveau un Samaritain qui nous la montre !

Lui, il franchit l'étape décisive de la foi. Non seulement il anticipe en faisant confiance, mais encore, il supprime toute distance entre lui, le bénéficiaire de la guérison, et Jésus, l'auteur de cette guérison. Il passe du bienfait reçu à la reconnaissance de la personne par qui ce bienfait est offert.

Pour les neuf autres lépreux de ce groupe, Jésus n'est que l'instrument de la guérison, alors que pour lui, le Samaritain, Jésus est celui en qui il croit, il est le terme de sa foi. Ainsi il quitte le monde strict de la guérison pour accéder à l’univers gratuit de la relation.

Il « glorifie Dieu » et « rend grâce à Jésus ». Nous voyons clairement que pour lui, Dieu et Jésus sont confondus : ils sont réunis, dans un même merci. C'est pourquoi, selon les mots en grecs de saint Luc, si les dix sont « guéris », un seul est « sauvé ».

Ce Samaritain, le voici « aux pieds de Jésus ». Toutes les distances sont abolies. Seul celui qui était le plus loin (l'étranger) saura se faire vraiment proche. Comme dans la parabole du bon samaritain !

C’est lui qui va dépasser l'interdit de la Loi, puisqu'il s'avance auprès de Jésus avant même d'avoir fait constater sa guérison par le prêtre. D’ailleurs, comme Samaritain, il n’aurait pas pu accéder au prêtre juif… Aussi était-il libre pour revenir à Jésus. Et Jésus va le «relever», cet homme prostré devant lui. Le mot « relever » est un des deux mots grecs employés par les premiers témoins pour dire la résurrection du Christ.

Dans ce contexte pascal évoqué ainsi par saint Luc, Jésus, en relevant l'étranger, nous signifie combien il veut que l’être humain soit un « humain debout », un vivant. « La gloire de Dieu c'est l’homme vivant », répétait saint Irénée.

Par sa foi, le Samaritain n’a pas seulement retrouvé la santé, mais aussi déjà la vraie vie, le salut de Dieu reconnu en la personne de l'homme-Jésus qui l'a remis sur pied.

C’est tellement humain de crier tout simplement notre détresse vers Dieu, même si ni Dieu ni le Christ n’est nommé. En chaque homme surgit une protestation contre le mal. Dieu entend ce cri, c’est comme le premier degré de la foi.

On est reconnaissant, parce qu'on tient à dire merci. On est reconnaissant parce que l’on sait reconnaître l'origine du don reçu. Nous ressemblons si souvent à ces neuf lépreux : ils n’omettent pas de se plaindre de leurs difficultés, mais ils n'ont pas la louange facile lorsque tout va bien… ? ils se referment sur leur santé retrouvée, sans un mot de gratitude.

Heureusement, à bien des moments, nous nous surprenons aussi à vivre de l'attitude si belle du Samaritain de l'évangile d’aujourd’hui : comme par exemple tant de parents, apprennent aux enfants à dire merci dans leur prière.

Dès lors, vivons en profondeur notre humanité dans le Merci eucharistique, Jésus nous le rappelant à chaque messe : « faites ceci en mémoire de moi ! »

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