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Homélie du 2ème dimanche de Pâques C - Jean 20, 19-31


Chers sœurs et frères,

Les Evangiles de la Résurrection du Christ, qu’on appelle généralement les apparitions de Jésus-Christ ressuscité, devraient plutôt être nommés : la rencontre ou l’expérience du Christ Ressuscité. Il s’agit des chapitres 28 dans Saint Matthieu, des versets 1à 8 du chapitre 16 chez St Marc[1], du chapitre 24 chez St Luc, du chapitre 20 dans l’Evangile de Jean, lequel ajoutera par après le très beau chapitre 21. Je vous recommande de les lire et de les méditer durant le temps pascal. Quelques pages en 50 jours, cela ne devrait pas être trop demandé et cela peut changer une vie !


Ces textes répondent à un même but catéchétique de la part de leurs auteurs. Les Evangélistes s’adressent à leur communauté respective qui leur demande, alors que les derniers témoins oculaires de Jésus de Nazareth disparaissent : « Comment pouvons-nous nous aussi faire l’expérience du Christ Ressuscité, nous qui ne l’avons pas connu de son vivant ? ». Cette question n’a pas pris une ride depuis 2000 ans. Elle est toujours aussi fondamentale pour notre foi aujourd’hui. Regardons ensemble la réponse qu’ils apportent.

On constate un très rare unanimisme de la part des Evangélistes : tous ces récits se passent le 1er jour de la semaine, c’est-à-dire le dimanche, le sabbat étant le 7ème et dernier jour, bien entendu. Vous pouvez vérifier, nous l’avons fait régulièrement avec les confirmands. Le message est clair : les chrétiens se sont depuis le tout début rassemblés en communauté le dimanche pour fêter la résurrection du Seigneur, partager la Parole et rompre le Pain. Et c’est vrai pour aujourd’hui comme hier, partout dans le monde, même et surtout là où le dimanche n’est pas un jour férié.

La deuxième caractéristique est la structure similaire à tous les récits :

- Il y a d’abord la tristesse, la peur, le désarroi de ceux qui ont perdu celui qu’ils avaient suivi et pour lequel ils avaient tout laissé. Ensuite il y a la rencontre du Ressuscité qui apporte paix et joie. Comment est-ce que je puis être sûr que je fais l’expérience du Christ ressuscité et que ce n’est pas une illusion de ma part ? Réponse des Evangiles : quand elle dissipe peur et tristesse et apporte joie, paix et courage. Mais cette rencontre est éphémère, tout comme est éphémère un coup de foudre, une parole, un geste qui change ma vie. Enfin, troisième phase, les femmes ou les disciples qui ont fait l’expérience du Ressuscité courent, remplis de joie, l’annoncer aux autres. Il n’y a pas d’authentique rencontre du Christ ressuscité sans le partage et le témoignage. Et cela compte pour nous aujourd’hui comme au temps de Jésus.


La troisième caractéristique de ces récits est que le Christ ressuscité est à la fois le même, mais il est aussi différent du Jésus de Nazareth vivant en chair et en os. François Varillon, un théologien jésuite décédé dans les années 70, l’illustre de manière intéressante. Il compare la résurrection des corps à la chenille qui est devenue papillon… Quand nous professons dans le credoque nous croyons à la résurrection de la chair, il ne s’agit bien sûr pas de la chair matérielle, de la viande, mais bien de la personne dans ce qu’elle a de plus authentique et profond. Les Evangélistes traduiront cette ambiguïté dans le fait que le Ressuscité ne se laisse pas immédiatement reconnaître par ceux qu’il rencontre. Jean nous dira que Marie au tombeau prendra le Christ Ressuscité pour le jardinier (20, 16) et les disciples qui quittaient Jérusalem pour se rendre à Emmaüs, ne reconnurent leur compagnon de route que le soir, quand il rompit le pain (24, 31).


Jean, dans l’Evangile que nous venons d’entendre, insiste sur un autre point encore. En montrant ses plaies dans ses poignets et son côté ouvert aux disciples réunis, et en soufflant sur eux pour leur remettre l’Esprit, le Christ signifie la continuité entre Pâques et le Vendredi Saint quand, sur la croix, il expira. Pas d’expérience de Pâques sans vendredi saint, sans découvrir combien le Christ vient rejoindre nos souffrances, nos obscurités les plus profondes. Cette expérience de Pâques, nous la célébrons tous les dimanches en partageant la Parole et en rompant le pain dans l’Eucharistie qui nous rassemble aujourd’hui comme elle rassemblait les disciples qui s’étaient enfermés, retranchés par peur d’être arrêtés pour avoir étés complices du Nazaréen.

Thomas, dit « le jumeau » -et le jumeau de qui si ce n’est de chacun d’entre nous- Thomas donc n’était pas avec les autres disciples ce dimanche-là. On pourrait dire qu’il a raté la messe. Mais, le dimanche suivant, il était avec l’assemblée chrétienne célébrant la Résurrection du Seigneur. Il ne voulait pas croire aux témoignage des autres, mais voulait faire lui-même l’expérience d’être rejoint, personnellement, dans ses blessures, dans ses vendredis saints les plus profonds, par Celui qui a donné sa vie pour lui aussi. Alors du côté du Christ, là même où avait coulé l’eau et le sang, la source de tous les sacrements, la source de la vie, dans cette blessure, cette fente jamais cicatrisée, il peut y mettre la main, toucher et récolter la vie qui jaillit en abondance.


Chers frères et sœurs, un jour que je visitais un détenu dans sa cellule, nous regardions les travaux qu’il y avait dans la cour. Ils refaisaient le mur, cette haute paroi lisse et sans vie, comme un tombeau, et qui coupait la vue et l’accès à l’horizon. La personne que je visitais me montra à travers les barreaux de la fenêtre, dans la partie grise qui n’avait pas encore été refaite, une fente dans le béton. De cette plaie sortait la vie : une touffe d’herbe et au milieu une petite fleur blanche. Je pense que c’était une pâquerette, une fleur de Pâques. AMEN.

[1]Les versets 9 à 16 ne se trouvent pas dans tous les manuscrits et sont clairement des rajouts postérieurs.

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