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Homélie de la vigile pascale C - Luc 24, 1-12


Nous avons commencé la grande série de lectures de cette nuit avec les tous premiers versets de la Genèse. « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre... Il y eut un soir, il y eut un matin : ce fut le premier jour. » C’est extraordinaire, dans la vie de quelqu’un : on dit d’un enfant qui vient de naître « il a vu le jour »… Dans l’Evangile que nous venons d’entendre, Luc fait nettement allusion à ce récit lorsqu’il raconte la venue des femmes au lieu du sépulcre, « le premier jour de la semaine, à la pointe de l’aurore ». Ce qu’il veut souligner, c’est qu’avec la Résurrection de Jésus, nous assistons à une nouvelle création, un nouveau monde, un recommencement de l’histoire. Tout comme la terre était « informe et vide » le premier jour de la première création ; de même en cette nouvelle création, la vie jaillit d’un tombeau vide. Pourquoi le passage par la mort ? Pour revêtir l’image de Dieu, nous devons nous dévêtir de l’image du néant, de ce qui ne sert à rien, de ce qui n’est rien. Pour aller ailleurs, il faut quitter ce lieu-ci. La nais­sance à la lumière est mort à la vie embryonnaire. C’est à la résur­rection que Dieu peut dire vraiment à Jésus « aujourd’hui, je t’ai engendré ».

Je recommande parfois à celles et ceux qui voudraient aller aux sources de la foi de lire les textes de la vigile pascale même s’ils n’y assistent pas. Ces textes survolent l’ensemble de la Bible : la résurrection du Christ est l’aboutissement de toute l’attitude de Dieu, tout ce qu’il veut et fait pour accomplir sa création. A travers les refus de l’homme, nos refus mortels, la création, pour arriver à former en nous l’image et ressemblance de Dieu, se fait pascale. La créationdoit en effet intégrer, « digérer », surpasser notre mal et notre mort. La Pâque est réellement exode, c’est-à-dire arrachement à nos servitudes et « passage à travers » (c’est le sens du mot Pâque) notre mort.

À vrai dire, depuis le commencement, la mort n’est justement pas au centre de l’Évangile. La foi commence par l’annonce d’une Vie plus puissante que la mort : « Il est ressuscité ! » En compagnie du Christ, alors, mourir peut devenir un langage capable d’exprimer le don total de soi. Par son existence, Jésus nous enseigne « la loi du grain de blé » : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jean 12,24). Le chemin vers la Vie passe inévitablement par un lâcher prise, un renoncement à s’accrocher à tout prix à nos acquis, afin d’aller avec Dieu vers l’inespéré qui se trouve en avant de nous.

Dans ce sens, la première « mort » que nous connaissons est notre naissance, où nous quittons le refuge du sein maternel pour affronter l’existence. Dans l’histoire sainte, nous trouvons entre autre celle du peuple d’Israël, qui doit traverser les épreuves du désert pour arriver à la Terre promise. La croix révèle ainsi le mouvement véritable de la vie : « Qui cherche à épargner sa vie la perdra, et qui la perdra la sauvegardera » (Luc 17,33).

Au matin de Pâques les femmes allèrent au tombeau de Jésus et les anges leur dirent : « Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts ? » (Lc 24, 5).Combien de fois, sur notre chemin quotidien, avons-nous besoin de nous entendre dire : « Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts ? » ! Combien de fois cherchons-nous la vie parmi les choses mortes, parmi les choses qui ne peuvent pas donner la vie, parmi les choses qui sont aujourd’hui et qui demain ne seront plus, les choses qui passent… « Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts ? ».

Jésus, qu'on a vu cloué sur la croix il y a quelques jours, est revenu à la vie. Il est un Vivant qui n'est plus avec les morts. Il a franchi le mur de la mort, ce mur est maintenant troué. Il existe un passage vers la Vie : au cœur de chacun. Qui peut faire l'expérience de la résurrection ? Qui n'a pas en soi des lieux verrouillés à ouvrir, des zones d'ombre à éclaircir ? Il y a des forces de mort qui traversent nos vies. Pour certains, ce peut être du désespoir. Pour d'autres, de la haine. Pour d'autres, c'est une culpabilité récurrente. Le Vivant, sorti du tombeau, premier-né d’entre les morts, nous aide à passer, à franchir ces murs, à faire partir ces démons intérieurs. Nous sommes invités à chercher le Vivant, non pas parmi les morts, mais parmi les vivants. Chercher celui qui est Vivant, c’est découvrir le Christ présent autour de nous, dans la vie de chaque être humain, à l'œuvre dans nos vies.

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