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Homélie du Vendredi Saint C - Jean 18, 1-19, 42


En fait d’homélie, il s’agit plutôt d’une méditation qui prend naissance à la jointure des trois textes de la Passion selon St Jean (Ch 18-19), du 4ème chant du Serviteur souffrant (Is 53, 1-11) et du psaume (22)21 : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». La Passion est lue en 6 parties, entrecoupées en contrepoint par des passages d’Isaïe. Les deux textes sont reliés par des strophes du psaume.


Ce dernier est un poème de la même veine thématique et littéraire que les chants du serviteur. Il est chanté à la première personne du singulier, alors que les chants du Serviteur souffrant sont chantés par une ou des personnes qui méditent en contemplant, forcément donc de l’extérieur, la personne souffrante.


Le psaume prend chair –et donc son sens plénier- en Jésus qui l’entame sur la croix, alors que le poème d’Isaïe renvoie à ceux qui se tiennent à ses pieds : « C’est à cause de nos révoltes qu’il a été transpercé ».


Dès lors, les trois textes dialoguent l’un avec l’autre et se conjuguent entre eux. D’autre part, cette alternance de perspective qui nous oriente vers la croix du Christ. Ainsi conjugués, ils nous dévoilent, ils nous révèlent leur profondeur, le sens du mystère que ce soir, nous contemplons et vivons.


On ne sort pas d’un Vendredi Saint indemne.

Quand la souffrance nous ronge, quand « nous pouvons compter tous nos os » (Ps 21), notre vie change, nous devenons « homme de douleur, familier de la souffrance ». La personne broyée par la souffrance voit souvent les amis s’éloigner, elle est souvent raillée par les hommes (Is 53). La liturgie du Vendredi Saint nous rapproche de cette humanité souffrante qui depuis Isaïe, à travers le Christ au calvaire, rejoint toutes les croix portées par tant de nos frères et sœurs à travers les âges. La croix du Christ prend chair quand la maladie fait éruption dans nos vies et réclame toute notre attention et notre énergie et qu’elle nous signifie le chemin de dépouillement qui mène au Golgotha. Mais que dire des traumatismes dont sont marquées les victimes de guerre ou des tortures infligés par les hommes en général ? Sur le chemin du calvaire marchent tant de femmes victimes de violence conjugale ! On y rencontre des enfants et des adolescents dans nos pays et dans le monde entier qui resteront eux aussi marqués du fait des agressions sexuelles qu’ils ont subies, notamment de la part d’hommes d’Eglise. Quelle blessure !

Le Vendredi Saint est aussi celui de Marie.

Marie et le disciple que Jésus aimait se tiennent au pied de la croix. Ils représentent l’Eglise en ses membres souffrants, notamment ces mères qui sont éprouvées à cause de leurs enfants meurtris ou égarés. Marie et le disciple bien-aimé sont aussi le visage de tous ceux qui accompagnent les personnes qui souffrent dans les familles, dans les hôpitaux, les prisons ou les foyers d’accueil pour réfugiés. Et Dieu sait si accompagner dans la durée des personnes en profonde souffrance est une aventure dont on ne se remet jamais vraiment, une blessure qui ne cicatrise pas. On ne sort pas de ces vendredis saints là indemne.


Ne nous trompons pas de Pâques

Car il n’y a pas de Pâques sans Vendredi Saint, sans ce dépouillement auquel nous serons tous conviés tôt ou tard. Car le Christ de la Résurrection ne se laisse reconnaître que par ceux qui, par la grâce de la communion au mystère pascal, le reconnaissent vivant dans leurs frères et sœurs meurtris et défigurés, dans les perles d’Evangile qui ruissèlent du côté de notre prochain blessé. Le passage du Vendredi Saint au dimanche de la Résurrection est aussi étroit que le chas d’une aiguille. Il naît de ces terres craquelées qui appellent à la vie, il naît de ces pierres roulées qui nous permettent de sortir des tombeaux de la tristesse ou d’appeler nos frères et sœurs enchaînés à délier les liens qui les retiennent encore. Alors, ensemble, peuple de Dieu, serviteurs souffrants, nous marcherons vers la lumière et la vie qui illuminent d’une lumière pascale les corps meurtris et les cœurs brisés.

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