Homélie du 3ème dimanche de Carême - Jean 4, 5-42

Premier scrutin des catéchumènes : Pour que les baptisés puissent vivre la dimension de conversion avec les catéchumènes, « ... On a rétabli pour l’année A, les Évangiles traditionnels de l’initiation chrétienne : Samaritaine, Aveugle né, Lazare ressuscité ; en raison de leur importance, on peut les utiliser aussi pour les années B et C, en particulier là où il y a des catéchumènes. » (Présentation générale du Lectionnaire romain n°21)
Seigneur Jésus, Tu es pour nous la source dont nous avons soif et le maître que nous cherchons. Avec confiance, nous ouvrons notre coeur, nous confessons notre misère, nous te dévoilons nos blessures cachées. Dans ton amour, délivre-nous de nos infirmités, rétablis notre force, étanche notre soif, accorde-nous la paix.
Un lieu, un puits, celui de Jacob. Un sacré lieu : C’est là que se sont formés les couples d’Isaac et Rebecca et après eux leur fils Jacob appelé plus tard Israël, et la bien-aimée Rachel ; et même Moïse, près du puits découvre sa future femme Tsippora. C’est le puits de l’amour enfin trouvé.
Deux personnages sont au premier plan : Jésus et une femme de la région de Samarie. Et les disciples eux, pressés d’aller manger, s’en vont acheter des provisions.
Jésus est fatigué de la route. Il s’assoit sur le bord d’un puits pour se reposer. Il est seul. Il se laisse aller à ses pensées. En plein midi, le soleil cogne. Il a soif. Dans la symbolique de saint Jean, on peut comprendre ici la soif de Dieu pour l’homme, sa recherche depuis toujours : « Adam, où es-tu ? » (Gn 3, 9.)
Jésus ne se rend pas compte tout de suite de l’arrivée d’une femme dont on ne connait pas le nom : elle vient puiser de l’eau pour sa maison.
Elle a un seau qu’elle désire descendre dans le puits mais la présence de Jésus la surprend et l’empêche de le faire. Ce qui la surprend encore plus c’est la demande de Jésus « Donne-moi à boire ». Elle réplique sur le champ et lui dit : « Comment ! Toi un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? » Et Jésus de répondre : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : ’Donne-moi à boire’, c’est toi qui lui aurais demandé et il t’aurait donné de l’eau vive ».
Où en est-elle, cette femme qui vient puiser de l’eau ? Elle est brûlée d’une autre soif, toujours selon la symbolique du quatrième évangile. Traduisons : cette femme a cherché son bonheur, sa vérité et n’a connu que des échecs : elle n’a pu trouver l’homme qui aurait comblé sa vie ; elle a essayé cinq hommes et celui qu’elle a maintenant n’est pas son mari.
Comptons : cela fait six, mais voici devant elle le septième homme. Sept : le chiffre de l’accomplissement de la création, de la semaine qui, formant un tout, signifie la totalité. L’ultime et vrai mari est là ; elle peut laisser sa cruche, elle n’aura plus jamais soif.
Avec le thème du lien homme-femme, nous sommes là encore renvoyés « au commencement », au jardin de la Genèse et aussi à l’alliance entre Dieu et les hommes. Six alliances pour cette femme et aucune satisfaisante. Alors survient le septième homme, qui fait penser au septième jour de la Création, « l’Adam de la fin », comme dit saint Paul, celui de l’Alliance nouvelle et éternelle. Voici le septième jour, de l’achèvement et de l’entrée dans le repos, le jour de Dieu : « L’heure vient ; elle est déjà là », lui dit Jésus.
Insatisfaite donc, mais en attente : « Je sais qu’il vient, le Messie, celui qu’on appelle Christ. Quand il viendra, c’est lui qui nous fera connaître toutes choses. » Par cette mention du Christ, par le fait que Jésus et cette femme acceptent de se parler alors que « les Juifs ne veulent rien avoir de commun avec les Samaritains », tout cela, et bien d’autres détails, montre qu’on est bien au-delà de nos divisions ethniques, politiques, religieuses. L’eau que vient donner Jésus est pour tout le monde.
Notre vie est remplie de toutes sortes de soifs comme la soif d’être aimé, la soif d’être reconnu, la soif de pouvoir être utile dans le monde etc. et par-dessus tout la soif de Dieu. Certaines soifs cependant sont des pièges : nous nous tournons du côté de l’argent, de l’influence, du succès, de la puissance, de l’érotisme dans l’illusion d’une fausse liberté. En vain : la soif est toujours là.
Enfin la Rencontre, la vraie. Cela était suffisant. Jésus a conduit la femme à jeter un bref regard sur elle-même et puis à concentrer toute son attention sur lui et sur ce que lui, pouvait donner. Il vient par l’eau du baptême combler les plus belles soifs qui sont dans les personnes. Par le baptême, la personne, plongée, est comme remplie de Dieu. La Samaritaine est arrivée au bout de sa recherche et de sa peine ; elle n’aura plus jamais soif car la source sera en elle. Un jour, nous raconte saint Jean dans un passage moins connu, lors d’une fête, Jésus, se lève et s’écrie : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l’Écriture : de son cœur couleront des fleuves d’eau vive. » L’évangéliste précise alors : « En disant cela, il parlait de l’Esprit Saint qu’allaient recevoir ceux qui croiraient en lui ». (Jn 7,37-39). Jésus "n’a rien pour puiser" car il n’en a pas besoin : la source est en lui.
Car là où est le Christ, là est aussi l’Esprit Saint, esprit de vérité. L’appel du Christ correspond à quelque chose qui se trouve au plus profond de mon cœur. Il libère, plus qu’il ne commande. En même temps que le Christ appelle, l’Esprit Saint délie en moi ce qui est enchaîné, desserre ce qui est angoissé. Demandons ce matin : « Seigneur donne-moi de te connaître, de l’intérieur, intimement, et que cette eau vive en moi ».