Homélie du 1er dimanche de l'Avent C - Luc 21, 25‑28, 34‑36

Le prophète Jérémie nous projette dans l’avenir et il faudrait écrire avenir en deux mots : « A-Venir ». Pendant tout le temps de l’Avent, nous entendrons des lectures qui nous projettent dans l’avenir : l’Avent tout entier est une mise en perspective de ce qui nous attend. « Il arrivera dans l’avenir » : cette phrase-là n’est pas une prédiction, c’est une prédication, une promesse de Dieu. « Voici venir des jours où j’accomplirai la parole de bonheur. En ces jours-là, en ce temps-là, je ferai germer pour David un Germe de justice, et il exercera dans le pays le droit et la justice. En ces jours-là, Juda sera sauvé. »
Jérémie présente un avenir où Dieu a toute sa place et nous invite à l’espérance. Il proclame cette bonne nouvelle qui pourrait se résumer ainsi : « Oui, il y a un avenir », un avenir joyeux et ouvert. Même lorsque les situations sont difficiles, le pessimisme n’est pas la solution.
Notre pape François illustre cela quand il écrit : « La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus Christ la joie naît et renaît toujours. »
Jérémie et le Christ nous parlent, c’est sûr, des mêmes événements : il s’agit du jugement exercé par Dieu sur le monde. Or, si nous nous rendons attentifs aux mots utilisés, nous verrons que nous pourrions les répartir en deux colonnes. D’un côté, « promesse de bonheur – je ferai naître – germe de justice – délivrance – sécurité – puissance – gloire – relevez la tête – votre rédemption est proche ». Dans l’autre colonne : « affolement – fracas – mort de peur – crainte – ébranlement – filet qui s’abat à improviste ». Curieusement, c’est dans l’Évangile que nous trouvons la prophétie de la catastrophe, avec cependant l’affirmation que tout cela est la rédemption en marche.Comment entendre là un évangile, au vrai sens du terme, c’est-à-dire une Bonne Nouvelle ?
De génération en génération, les hommes vivent des apocalypses. Et à chaque génération, l’Évangile vient dire que c’est Dieu qui vient. Non qu’il engendre lui-même le chaos : le chaos, c’est notre affaire, notre œuvre. Mais il vient l’assumer. Evidemment, nous participons, par notre péché, aux ténèbres, mais par l’Évangile nous sommes aussi des enfants de lumière. Avec le Christ nous avons à affronter, à notre place et comme nous le pouvons, le mal du monde. Par sa première venue, il nous libère, il nous délie, pour que nous puissions agir, faire, accomplir quelque chose. Il ouvre la porte de la prison. Nous voici à l’air libre et tout est à faire, bien sûr, mais nous avons les mains libres pour cela. Libres aussi, nous avons toujours la redoutable possibilité de reconstruire nos esclavages en beuveries et divertissements de toutes sortes, ivresses et soucis de la vie.
Nous sommes dans l’attente de la révélation de la lumière. C’est bien le sens de l’Avent. Noël n’est pas derrière nous, dans un passé vieux de deux mille ans, il est devant nous, « A-venir », c’est Noël au futur ! Le Christ est celui qui vient.
Ce qui vient sur le monde, à la fois destruction et création, ou plutôt création à travers une destruction, c’est le Christ. Le Christ en son mystère de mort et de vie. Ce qui attend le monde et ce qu’attend le monde, c’est la Pâque. La Pâque du monde. Ce qui vaut pour chacun de nous, passage de la mort à la vie, vaut pour l’univers pris dans son ensemble. Comment ? Quand ? Ces questions n’ont pas de sens puisque tout est déjà commencé. C’est commencé mais un jour ce sera fini.
Jésus, et Paul à sa suite dans la seconde lecture, nous donnent la consigne de nous trouver « debout » à l’heure de la venue du Fils de l’homme. Debout, c’est-à-dire éveillés. Qu’est-ce que cela signifie ? Que nous risquons toujours de ne pas voir, d’ignorer, de ne pas identifier la venue destructrice et créatrice du Seigneur. Nous ne voyons pas ce qu’il faut refuser et ce qu’il faut promouvoir. Dieu surprend toujours et il faut être éveillés pour ne pas prendre pour de la vie ce qui est contre la vie et qu’il vient mettre à mort.
Qu’est-ce qui fera la différence ? Sinon la décision en nous d’être authentiques, en état d’éveil, le cœur affermi par l’attente, associés à la mort et la résurrection du Seigneur d’une manière unique et personnelle,nous tenant debout devant le Fils de l’homme « à-venir » et non pas repliés en boule ou enfermés dans nos bulles, sans amour, sans prière, sans lumière, sans sens à nos vies. La Parole de Dieu nous garde éveillés et nous ouvre à la lumière, au grand jour, aux grands enjeux de la charité, de la juste société, de la paix, du partage. Nous attendons ta venue Seigneur, amour qui nous attend au terme de l’histoire.