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Homélie de la fête du Christ-Roi - Jean 18, 33b-37


Récemment, des parents de notre communauté ont posé cette question : « Quelle est l’origine de notre nom ‘Christ-Roi’ ? » L’histoire de cette appellation est certainement liée à une époque, celle de la construction de notre chapelle qui est aussi celle de la montée inexorable des totalitarismes (communistes et fascistes surtout) qui vont mettre le monde à feu et à sang, devant lesquels l’Eglise affirme avec force qu’il n’y a pas d’autres chefs, (Duce, Führer ou autres pères des peuples) qui ne tiennent devant la royauté inégalée du Christ.


« Ainsi, tu es roi ? »– « C’est toi qui le dis. Je suis né et suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix ». Pilate est désarçonné par ce prisonnier qui ne ressemble à aucun autre. Jésus explique ce qu'il est : « Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité ». Il a été envoyé pour remplir une mission, pour témoigner de la « vérité » - un mot essentiel pour Saint Jean (25 fois dans son Evangile).

Dès le Prologue, Jean écrit : " Tout hommequi est de la vérité écoute ma voix ". Par derrière nos caractères et nos tempéraments, nos qualités et nos défauts, existe un point d'origine, une aspiration de fond pour notre existence. Quiconque (de toute nationalité, de toute culture) désire que sa vie soit authentique, sans mensonge, est de Dieu, "appartient à la vérité" et ainsi s'ouvre à la possibilité d’entendre, de comprendre, d’accueillir ce que dit Jésus.

« Es-tu le roi des juifs ? »Cette question de Pilate cantonne Jésus dans un coin du monde. Il ne peut vraimentpas répondre « je suis le roi des juifs » ; il dit au contraire « tout homme qui appartient à la vérité »... Son royaume n’est pas un royaume de ce monde parmi les autres. Nous avons besoin de réentendre ça : nous pouvons penser facile­ment qu’être disciple du Christ, de Mahomet ou de Bouddha c’est du même ordre et cela dépend du coin du monde où nous sommes nés. On met facilement le Christ « à côté » alors qu’il est ailleurs. On ne peut pas le compter avec les autres. Quand nous aurons mieux compris cela nous pourrons sans complexe dire l’Évangile à des bouddhistes sans prétendre les arracher fondamentalement à leur bouddhisme. L’Évangile est la bonne nouvelle du salut annoncée par Dieu à toutes les religions et à toutes les cultures, au-delà de tous nos affrontements mortels.


Mais Pilate hausse les épaules : "Bah, qu'est-ce que la vérité ?" et, sceptique, se détournant de prisonnier, ce pauvre qui est la vérité devant lui, il sort pour rencontrer les accusateurs. La royauté du Christ est proposée à « tout homme qui appartient à la vérité ». Voici la clé du mystère : la royauté du Christ ne consiste pas à imposer, à peser, à exiger, mais à attirer. Son pouvoir est attraction. Attraction exercée par quoi ? Par la vie, par l’amour. Le texte dit : par la vérité. Notre vérité d’hommes et de femmes.

La vérité parmi nous.Jésus est né, est venu au monde. C’est un fait. Depuis, il est « planté » là, au milieu du monde, comme un signe. Et il est vivant. Il affiche sur la croix une vérité fondamen­tale, notre vérité. Voici cette vérité : ce qui fait que l’homme est homme, ce qui fait l’homme, ce n’est pas la domination, c’est la capacité d’aimer, l’amour ; ce n’est pas la richesse, c’est le don ; ce n’est pas la sécurité qu’on trouve dans la possession, c’est la confiance (la foi). Cette vérité n’est pas là seulement comme une affirmation mais comme une vie : c’est cela qu’a fait Jésus Christ. Elle est là comme une personne vivante. Le pouvoir du Christ, c’est l’attrac­tion qu’exerce cette vérité, qu’il exerce sur tout homme qui « est de la vérité », qui veut vivre en vérité, qui ne veut pas se contenter d’alibis, d’opinions ou d’illusions.

Faire la vérité.Nous rêvons d’un « roi » qui imposerait la vérité, un messie qui « restaurerait Israël ». Or, dans ce cas, nous ne serions plus libres. C’est parce que la vérité se contente de nous attirer, c’est parce que le Christ exerce sa royauté en étant seule­ment une voix que l’on entend si l’on choisit la vérité, que nous sommes libérés. Libérés de toutes choses et libres en face de lui : libres de choisir ou non la liberté. La liberté que nous offre le Christ, c’est à nous de la rendre effective. La vérité se choisit et elle se fait. Nous avons le pouvoir de la faire. C’est dans ce « pouvoir » que réside notre liberté.

La vérité vous rendra libres. C’est cela qui nous libère de tout le reste. Ceux qui ont vraiment entendu le témoignage du Christ à la vérité ne se laissent pas prendre au vertige d’une société dominée par les processus de croissance ou d’images médiatiques : ils disent non, et ils sont libres. Libres de tout. Ils subissent peut-être mais ils ne tombent pas dans le panneau. Ils ne se laissent pas « prendre ». Leur esprit est libre et ils agissent. Avec les étudiants à Paris, il nous arrivait souvent de reposer cette question fondamentale : “qui imagine ma vie pour moi” ? Regardons autour de nous et discernons tout ce qui nous aliène dans nos idéologies affichées ou cachées. Sommes-nous de la vérité, sommes-nous du Christ ? Libérons-nous.

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