Homélie du 32ème dimanche ordinaire B - Marc 12, 38-44

Ce bref évangile pourrait se résumer par ces deux conseils, Jésus nous invite à plus d’humilité et à plus de générosité. Exprimés ainsi, nous pouvons être d’accord, nous qui, à certains moments, sommes tellement portés à nous valoriser et à calculer ou même monnayer nos engagements.
Mais l’évangéliste a sans doute voulu surtout nous montrer Jésus, son regard sur nos attitudes de fond. Voyons le donc regarder comment la foule mettait de l’argent dans le trésor du Temple.
Il y a les gens qui donnent priorité à l’apparence, il y a aussi celles et ceux qui essayent d’être vrais. Il y avait à Jérusalem, de ces gens riches qui donnaient des sommes importantes, et pour eux, on faisait sonner les trompettes dans le Temple, mais en réalité ils ne faisaient sans doute que céder une très petite partie de leur superflu.
Par contre, la veuve que Jésus a regardé ne faisait pas semblant : c’est sa vie même qu’elle donne en partage, dans cette folle générosité, elle donne « tout ce qu’elle a pour vivre ». Faire cela, c’est du pur évangile ! Oui, nous pouvons penser au Christ lui-même, lui qui donne sa vie jusqu’au dernier souffle !
Cette même démarche, nous la trouvons de la part de la veuve de Sarepta dans son hospitalité au prophète Elie. Ces récits bibliques ne se contentent pas de donner quelques conseils de morale, ce sont aussi, en profondeur, des paraboles, de celles qui nous introduisent au mystère de Pâques ; rappelons-nous aussi le grain de blé qui meurt en terre et donne beaucoup de fruit. Il s’agit ici de l’annonce même du salut et de la vie en plénitude : le Christ donne sa vie en abondance, entièrement, totalement, définitivement, sans calculer, gratuitement. C’est cela, la grâce !
Ainsi, dans la première lecture, nous l’avons entendu : l’huile et la farine de la veuve de Sarepta se conservent alors même qu’elles se donnent en partage : « la jarre de farine ne s’épuisa pas, et le vase d’huile ne se vida pas » (1 Rois 17,16). Car le don gratuit, c’est l’âme même de l’amour qui se nourrit et se répand, qui grandit toujours en se partageant.
Nous pouvons penser aussi à l’épisode du buisson ardent : Moïse voyait ce buisson donner de la lumière et de la chaleur sans se consumer (Exode 3,3), la lumière en abondance.
De même, la veuve de l’évangile : elle a donné ‘tout ce qu’elle avait pour vivre’,
Jésus s’y reconnaît, cette femme préfigure en quelque sorte l’offrande que Jésus va faire de lui-même. Ce petit récit de l’obole de la veuve n’a-t-il pas été placé par l’évangéliste Marc dans un contexte révélateur, il n’y est question que de sa Pâque et donc de sa résurrection ? La résurrection du Christ est à jamais inséparable du don de sa vie au Golgotha. La résurrection est la face lumineuse de la passion. Seul ce qui est donné est sauvé. Le grain dilué en terre porte déjà la moisson. Jésus n’avait d’autre moyen de sauver sa vie qu’en nous l’offrant gratuitement et gracieusement. Nous avons reçu le témoignage de ces deux veuves, celle de Sarepta et celle du Temple : elles nous disent que la folie du don est la sagesse même de Dieu. Une sagesse paradoxale qui révèle l’amour fou que Dieu éprouve pour nous .
Il s’agit pour nous maintenant de ne pas détourner notre regard à l’invitation de Jésus au cœur de notre célébration eucharistique, en ce centenaire de l’armistice qui a marqué, hélas provisoirement, la fin de la guerre mondiale que l’on a dû qualifier de ‘Première’.
Jésus, assis dans la salle des troncs du temple, voit le fond des cœurs : il perçoit bien ce qu’il y a sous les attitudes et les comportements et il nous aide à séparer en nous le vrai et le faux. Il n’est pas venu pour nous juger, mais pour nous faire grandir dans la conscience que le regard de Dieu est toujours plein d’amour. N’ayons pas peur de lâcher prise, portés par la confiance et la gratuité de la grâce.