Homélie du 25ème dimanche ordinaire B - Marc 9, 30-37

Frères et sœurs,
Nous venons de l’entendre, Jésus s’efforce de former ses disciples à le suivre et à intégrer dans leur vie les valeurs évangéliques d’humilité et d’amour. Or voici que c’est la question de la première place qui les préoccupe, comme nous aussi, hélas encore si souvent !
C’est bien vrai, ils n’ont pas encore bien compris ce que veut Jésus. D’ailleurs, que veut-il pour nous ? Qu’attend-il de nous ? Qu’attend-il de moi aujourd’hui ?
C’est de le suivre, sur cette voie audacieuse, celle
du risque d’aimer : « Le Fils de l’homme est livréaux mains des hommes… » Ce chemin est périlleux, car, comme l’enseignait déjà le livre de la Sagesse, le juste, celui qui aime la justice de Dieu, dérange outre mesure « ceux qui méditent le mal… qui ne cessent de penser : le juste nous contrarie ! » C’est bien un combat, un chemin parfois malaisé, qui nous attend… A quelles humiliations et à quels tourments serons-nous exposés, par quelles épreuve notre douceur et notre patience passeront-t-elle ?
C’est le même portrait que nous brosse saint Jacques quand il analyse la situation des premières communautés chrétiennes: jalousies, conflits, guerre entre vous… La cause : l’abandon de la sagesse qui vient de Dieu et une voie de perdition, descendante ; être emberlificoté dans la convoitise, jusqu’à tuer, être jaloux jusqu’à faire la guerre ; se servir de la prière et de la religion pour obtenir des richesses, des avantages ; chercher le pouvoir, être le plus grand.
Patiemment Jésus va prendre ses disciples à part, dans leur maison de Capharnaüm, et leur montrer comment ils auront à faire l’expérience bien réelle du chemin que lui-même, Jésus, a commencé à prendre : lui qui a décidé de se rendre à Jérusalem, où l’attendent ses opposants ; eux qui ne rêvent qu’à éliminer ce Jésus de Nazareth. Jésus le leur montre : Dieu est humble et vulnérable quand il vient nous rejoindre et se fait humain… en Jésus, notre Dieu, en Jésus notre frère… en Jésus qui prend cet enfant, le place au milieu d’eux et l’embrasse. C’est un geste alors étonnant, dans cette société antique où l’enfant compte pour si peu.
Pour Jésus, en effet, cet enfant symbolise tout être humain privé de pouvoir, un être vulnérable, qui a vraiment besoin des autres pour survivre.
C’est lui qui est placé au centre, en plein milieu de l’assemblée : lui qui ne comptait pas devient même le plus important. Jésus s’explique : accueillir en son nom un petit comme cet enfant-là, c’est accueillir Dieu lui-même, puisque, en se livrant aux hommes, volontairement vulnérable, - lui qui se laisse toucher et que l’on peut toucher - s’est fait le dernier et le serviteur de tous.
C’est comme si Jésus disait : vous n’accueillez pas vraiment l’enfant, parce qu’il est incapable de s’imposer. Eh bien, écoutez-moi : là où se trouve celui qui est incapable de se faire valoir, je me trouve moi-même.
Ainsi, accueillir l’enfant, c’est accueillir le Christ lui-même, celui qui continuellement et littéralement se livre entre nos mains.
En nous mettant au service des pauvres, nous refaisons ce que faisait le Christ, qui s’est fait, lui, le serviteur de tous. Bien plus : en refaisant ce qu’il a fait, nous lui devenons semblables : semblables au Fils de Dieu qui, en se mettant à la dernière place, si peu enviable, si peu enviée, nous apprend à y être heureux, et à aimer sans réserve ceux qui s’y trouvent, y compris, et sans doute d’abord, ceux qui nous semblent de prime abord moins aimables.
Jésus renverse ainsi l’ordre établi : avec lui, le plus grand c’est le plus petit.
C’est bien ce que Jésus nous demande aujourd’hui : « croyez-vous que lorsque vous accueillez le plus faible, le petit, le visage de Dieu vous est révélé, qu’alors vous faites réellement l’expérience de Dieu, pas seulement dans votre tête, théologiquement, mais avec toute votre sensibilité où se mêlent sympathie et antipathie ? »
Ne cherchons donc pas trop loin, ne cherchons pas ailleurs ! Cette expérience d’évangile est au cœur de nos familles, de notre communauté, du monde entier, au Nord comme au Sud…
Rendons grâce de pouvoir vivre et construire tous les jours, dans nos familles, dans nos communautés, cet accueil des enfants au nom du Christ, et de pouvoir faire ainsi, déjà, l’expérience de Dieu !
Oui, notre vie spirituelle passe par ce réalisme sans grand discours !
Que toute cette semaine, nous nous demandions chaque jour « Comment ai-je été accueillant ? Comment le serai-je davantage ? »
Car Jésus, de nouveau, nous avertit, comme pour l’eucharistie : « …faites tout ceci en mémoire de moi ! »
Amen !